L'Oskar de Spielberg


Il y a 20 ans sortait La Liste Schindler. A l'annonce du film, je me souviens avoir été aussi désemparé qu'avait probablement  pu l'être la Universal lorsque Spielberg annonça à quel projet il voulait se consacrer juste après Jurassic Park : 2h30 en noir et blanc sur l'Holocauste !
Pas d'aventurier, ni de monstre, ni d'extra terrestre… le cinéma de Steven allait il devenir chiant ? Devrais je désormais m'écraser et arrêter de prétendre qu'il était le meilleur réalisateur au monde si je n'avais plus de quoi le prouver ? Et puis surtout est ce que j'avais envie de voir ce film ?
Il aura suffit de la toute première diffusion de la bande annonce dans le mythique Journal du Cinéma d'Isabelle Giordano sur Canal Plus et de l'article "Spielberg en Enfer"  dans lequel le journaliste Laurent Tirard de Studio Magazine racontait le cheminement ayant conduit Spielberg à réaliser ce film et ses conditions de tournage, pour me faire succomber.


Si Steven ne s'est pas investi dans la promo de Jurassic Park, d'une parce qu'il tournait en Pologne et de deux parce que son nom et la nature du film suffisaient seuls à lancer le phénomène (je ne possède d'ailleurs aucune interview d'époque dans ma collection), il a en revanche été très présent pour accompagner la sortie de Schindler et expliquer ses motivations dans de nombreux entretiens.
"Enfant, j'étais géné de ma différence de religion, je ne voulais pas me distinguer des autres, je rêvais d'avoir un Noël comme tous les petits américains avec des lumières devant la maison. C'est à 17 ans, alors que je venais de changer d'école pour ma dernière année de lycée que j'ai subi l'antisémitisme pour la première fois. Un garçon du même âge avait appris que j'étais juif et décida de me punir pour cela…on me jettait des pennies, on me traitait de sale juif tous les jours… j'ai pu arrêter une partie de sa haine en lui proposant un rôle dans un de mes films super 8. Je me souviens des histoires de mes grands parents qui ont subi de lourdes pertes dans leur famille dans le drame de l'Holocauste. J'ai été bouleversé par le livre de Keneally et j'ai aussitôt acquis les droits de Schindler en 1982, mais je ne cessais de repousser le projet. A un moment je l'ai même proposé à Marty Scorcese. J'ai fini par le lui échanger contre Les Nerfs à Vif. C'est la naissance de mon fils Max en 1985, au moment de lui choisir une éducation, que je me suis replongé dans une religion que j'avais enfouie au fond de moi. Chaque parent juif a la responsabilité d'informer ses enfants sur ce qu'il s'est passé afin que chaque génération reste vigilante. Les évènements en Bosnie, à Sarajevo, la montée de l'antsémitisme en Europe m'ont poussé à réaliser ce film rapidement. Je profite sciemment de mon nom, de ma réputation, de mon succès pour raconter quelque chose qui fait partie de moi. Je voulais que les gens voient l'Holocauste. J'ai jeté un certain nombre de mes outils de tournage, plus de grue, plus de steadycam, plus de zoom, pas de couleur afin que l'histoire soit l'unique force du film, qu'il n'y ait absolument rien de tape à l'œil. Je n'avais aucun plan préconçu, pas de storyboard, je voulais rester totalement ouvert à ce que j'allais raconter...
...ma mise en scène a changé, mon cinéma a changé. Je me doutais que cette expérience serait traumatisante mais c'est pire que ce que j'imaginais…Mes souvenirs de Pologne me hantent encore chaque nuit".
En ce qui me concerne Schindler a été l'une des expériences les plus bouleversantes de spectateur, très justement décrite par Marc Esposito dans sa chronique de Studio Magazine "Une salle entière tête baissée,en sanglots…des spectateurs prostrés dans leurs fauteuils, perdus, hagards. Quel moment incroyable…avant Schindler, je ne savais pas que le cinéma pouvait m'inspirer des émotions aussi violentes, je ne savais pas qu'il pouvait aller aussi loin…que ce soit Steven Spielberg que j'aime depuis si longtemps, qui ait fait encore grandir ma passion du cinéma, c'est ma plus belle histoire de cinéphile".
Pas mieux de mon côté… sauf peut être, pour le fan que je suis, la soirée des Oscars 1994 où j'avais assisté en direct sur canal Plus à la consécration absolue de mon idole. Quant aux larmes, c'était probablement la fatigue. Il était presque cinq heures du matin.


Sources : Le Point n°1118 du 19/02/1994, Première Mars 1994, VSD n°860 du 24/02/1994, Ciné Revue Février 1994, Le Cinéphage n°17 Mars-avril 1994, Le Nouvel Obs n°1528.Photos de David James.

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